Déjà sous pression et avec une santé mentale fragilisée, les personnels hospitaliers ont, depuis le début de la crise sanitaire, subi une forte surcharge de travail ainsi que des conditions d’exercice difficiles et un stress intense. Quel est donc l’état de leur santé mentale, deux ans après le début de la crise du Covid-19 ? La Mutuelle des Services Publics vous explique le contexte, les conséquences mais aussi les aides proposées face aux difficultés que subissent les soignants.

 

Le contexte

Depuis plusieurs années, bien avant la pandémie, les personnels soignants étaient déjà soumis à une pression due au manque de personnel et de moyen. Nous en avions parlé dans un précédent article, les risques psychosociaux dans la fonction publiques pèsent sur les soignants. Avec l’arrivée de la crise sanitaire début 2020, les professionnels de santé ont été confrontés à des conditions de travail intensives. Quotidiennement, ils ont fait face à de nombreux patients en état critique, de nombreux décès et, de fait, une charge de travail considérable.

Les professionnels de santé directement impliqués dans le diagnostic, le traitement et les soins des patients atteints de Covid-19 ont été confrontés à de multiples sources de stress :

  • Manque d’équipements de protection individuelle
  • Informations incomplètes concernant ce nouveau virus
  • Risque de contamination personnelle et de transmission familiale
  • Charge de travail exacerbée et prolongée
  • Nombre inhabituel de décès parmi les patients, collègues ou membres de la famille
  • Réorganisation de leur travail et intégration dans des services de soins qui n’étaient pas leur lieu d’exercice habituel
  • Lourdes questions morales ou éthiques, liées à la prise en charge et l’orientation des patients.

Aujourd’hui, d’autres facteurs similaires à ceux qui touchent l’ensemble de la population peuvent venir s’ajouter aux multiples sources de stress des professionnels de santé :

  • Perte de repères professionnels et sociaux liée au confinement
  • Changement de la dynamique familiale
  • Angoisse des enfants en bas âge
  • Manque de perspective et désorganisation des adolescents

Le personnel hospitalier est donc moralement affaibli, on observe que : 55% des étudiants, 46% des actifs et 42% des décideurs témoignent de l’impact négatif de la crise sur leur moral. Soumis depuis le début de l’année à une surcharge de travail dans des conditions de stress intense, certains personnels soignants paient un lourd tribut psychologique et émotionnel à la crise du Covid-19. Ils s’exposent à un risque de stress post-traumatique dans les prochains mois.

 

Les conséquences de la crise sanitaire sur le mental des soignants

Des chercheurs de l’AP-HP de l’Hôpital Louis-Mourier à Colombes et de l’Hôpital Cochin à Paris, en lien avec la Fondation FondaMental et le CESP (Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations) ont publié dans la revue Neuroscience & Biobehavioral Reviews, une étude s’attachant à identifier et quantifier les impacts de la crise sanitaire sur l’état mental des soignants.

Compilant 70 études internationales publiées sur les bases de données Pubmed et PsycINFO et menées jusqu’au 8 octobre 2020 sur 101 000 participants en tout, elle dresse un constat alarmant.

En effet :

  • 30,0 % des participants souffrent d’anxiété et de symptômes anxieux
  • 31,1 % souffrent de dépression et de symptômes dépressifs
  • 44,0 % ont des troubles du sommeil
  • 56,5 présentent des symptômes de stress aigu

 

La plupart sont épuisés psychiquement, physiquement et émotionnellement. Des maux sont apparus pendant la pandémie pour un tiers des patients. Et pour cause, la crise sanitaire liée au Covid-19 a surchargé des plannings déjà très serrés.

Le personnel médical présente souvent des symptômes de burn-out (épuisement professionnel) avec troubles du sommeil, de l’alimentation, une addiction à l’alcool mais aussi à la consommation d’opiacés, de benzodiazépines. Ces troubles peuvent avoir de graves conséquences sur la santé de ces personnes, pouvant parfois mener à des tentatives de suicide. On observe que le risque suicidaire des hospitaliers est deux fois supérieur à celui de la population générale.

Cette forte prévalence peut s’expliquer par des facteurs traumatisants ou anxiogènes auxquels sont exposés les soignants. On peut par exemple citer l’imprévisibilité de la charge de travail quotidienne, le fardeau de la prise de décision dans des situations particulières, les taux quotidiens élevés de mortalité ou encore les changements récurrents des procédures hospitalières. Des facteurs tels que la charge de travail élevée, y compris de nuit, ainsi que le stress quotidien participent fortement à l’apparition de troubles du sommeil.

Selon les psychiatres interrogés pendant cette étude, les personnels soignants au cœur des unités Covid, ont vécu des traumatismes qui commencent seulement à s’exprimer ou ne pourraient s’exprimer que dans plusieurs mois. C’est pourquoi il est très important de prendre en charge ces personnes avec des programmes de soutien psychologique par exemple.

 

Les aides psychologiques mises en place

Ces résultats nous dévoilent une situation préoccupante de l’état de santé mentale des soignants pendant la pandémie de Covid-19, ainsi que dans les futures potentielles crises sanitaires.

Face au constat de cette étude, il est indispensable d’aider le personnel médical à avoir les moyens de faire face aux nombreuses sources de stress auxquels ils peuvent être exposés. Quelques actions ont donc été mises en place dans certains hôpitaux pour accompagner du mieux possible les soignants qui en ressentent le besoin. L’étude rappelle à nouveau que l’état mental des professionnels de santé impacte aussi la qualité des soins qu’ils fournissent et peut nuire à leur engagement mais aussi entraîner un important taux de turn-over. Les chercheurs alertent sur la nécessité de mettre en place des mesures de prévention ciblée et de soutien psychologique afin de préserver leur bien-être, aussi bien dans le cadre de la pandémie actuelle que dans l’optique d’anticiper de potentielles futures crises.

On peut notamment citer les mesures mises en place :

  • L’installation de hotlines spécifiques permettant un soutien psychologique
  • La mise en place de programmes d’accompagnement psychologique (relaxation, soutien, activités physiques apaisantes, etc.)
  • La création de centres d’accueil pour les soignants épuisés qui ont nécessairement besoin de repos. Comme la clinique Le Gouz à Louhans qui accueille médecins, infirmier(e)s, aides-soignant(e)s, et leur offre une halte. Un cadre qui les coupe de leur quotidien, de leur lieu de travail et de leur domicile et les aide à retrouver leurs marques. Ils sont ainsi pris en charge dans un espace familial, loin du rythme harassant de leur vie professionnelle. La clinique a donc pour but de les amener à un retour plus serein à leur vie professionnelle.

 

Avec la crise sanitaire, l’état mental du personnel hospitalier est enfin mis en lumière. Il a été mis en évidence que cette dégradation de leur santé mentale a un impact majeur sur la qualité des soins qu’ils prodiguent mais également qu’un accompagnement psychologique est indispensable pour faire face à d’autres crises éventuelles. La Mutuelle des Services Publics fait tout pour accompagner du mieux possible les personnels soignants et leurs familles.