
Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle dans la fonction publique ?
Une maladie professionnelle dans la fonction publique est définie comme une pathologie directement causée par les fonctions exercées par un agent, qu’il soit fonctionnaire ou contractuel. Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence entre l’apparition de la maladie et l’exercice du travail, mais d’un lien de causalité avéré entre les conditions de travail et l’apparition ou l’aggravation de la pathologie.
Contrairement au régime général de la Sécurité sociale, qui s’appuie sur des tableaux de maladies professionnelles, pour reconnaitre une maladie professionnelle, la fonction publique repose sur une logique d’imputabilité au service. Cela signifie que la maladie n’est reconnue comme professionnelle que si l’on peut démontrer qu’elle a été causée directement et exclusivement par le service. Cette reconnaissance peut concerner, par exemple :
- une exposition prolongée à des produits toxiques ou chimiques ;
- des gestes répétitifs ayant entraîné des troubles musculosquelettiques (TMS) ;
- un stress chronique lié à des conditions de travail dégradées ;
- un environnement de travail pathogène (bruit, agents biologiques, climat délétère, etc.).
Comment faire reconnaître une maladie professionnelle ?
Obtenir la reconnaissance d’une maladie professionnelle dans la fonction publique nécessite une démarche précise, encadrée par des règles strictes. Voici les étapes à suivre.
Déclaration de la maladie
La première étape essentielle pour faire reconnaître une maladie professionnelle dans la fonction publique consiste à la déclarer officiellement auprès de votre employeur.
Vous disposez d’un délai de deux ans pour effectuer cette démarche. Ce délai commence à compter de :
- la date de la première constatation médicale de la maladie par un professionnel de santé ;
ou
- la date à laquelle vous avez été informé par un certificat médical du lien possible entre votre pathologie et vos fonctions professionnelles.
⚠️ Si vous avez été diagnostiqué il y a plusieurs années mais que le lien avec votre activité professionnelle n’a été établi que récemment, le délai de deux ans débute à compter de cette information médicale, et non de la date du premier symptôme.
Il est donc recommandé de ne pas attendre si vous avez le moindre doute sur l’origine professionnelle de votre maladie.
Quelles sont les pièces à fournir pour déclarer la maladie ?
La déclaration de la maladie professionnelle dans la fonction publique se fait en remplissant le formulaire de déclaration. Ce dernier doit être accompagné d’un certificat médical, précisant :
- la nature exacte de la maladie (diagnostic) ;
- son siège (localisation dans le corps) ;
- la date de la première constatation médicale ;
- la date à laquelle un certificat médical vous a informé d’un lien possible entre votre maladie et votre activité professionnelle ;
- la durée de l’incapacité de travail si elle est connue ou estimée.
Vous pouvez également joindre tout élément complémentaire utile à l’instruction du dossier, tels que les :
- comptes rendus d’examens médicaux ;
- attestations d’exposition à un risque dans le cadre du travail (produits chimiques, postures répétitives, environnement bruyant…).
Instruction du dossier
Une fois votre déclaration de la maladie professionnelle dans la fonction publique transmise, et le dossier jugé complet, l’administration est tenue d’engager une instruction. Cette étape vise à évaluer objectivement si votre maladie présente un lien direct et certain avec l’exercice de vos fonctions.
Conformément à l’article 5 du décret n°2019-122 du 21 février 2019, l’administration dispose d’un délai de deux mois pour statuer sur la reconnaissance ou non de l’imputabilité au service. Ce délai commence à partir de la réception d’un dossier complet.
Ce délai peut être prolongé de trois mois supplémentaires, si l’administration :
- engage une enquête administrative (par exemple pour vérifier les conditions de travail ou interroger les supérieurs hiérarchiques) ;
- sollicite un médecin agréé pour expertise ;
- saisit le conseil médical compétent (ex-commission de réforme), dont l’avis est requis avant toute décision.
Décision finale
À l’issue de l’instruction, l’administration vous notifie sa décision. En cas de reconnaissance de l’imputabilité au service, la pathologie est qualifiée de maladie professionnelle, ouvrant droit à des prestations spécifiques, pour l’agent de la fonction publique.
L’absence de réponse dans les délais prévus ne vaut pas un accord implicite. Il est nécessaire de recevoir une notification formelle pour que la décision soit valable.
Si aucune décision n’est rendue à l’issue du délai, il est recommandé de relancer l’administration par écrit (recommandé avec accusé de réception) et de demander explicitement la décision motivée.
Et si la reconnaissance est refusée ?
En cas de refus de reconnaissance de la maladie professionnelle, plusieurs voies de recours s’offrent à vous, en tant qu’agent de la fonction publique.
- Recours gracieux : il s’agit d’un recours adressé à l’auteur de la décision (souvent le chef de service ou l’autorité hiérarchique directe), demandant la révision de la décision à la lumière d’éléments nouveaux ou d’une réinterprétation des faits.
- Recours hiérarchique : ce recours est adressé à l’autorité administrative supérieure, par exemple le préfet ou le directeur général d’un établissement public. Il suit les mêmes objectifs que le recours gracieux mais s’adresse à un échelon différent.
Ces deux recours doivent être exercés dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus. Ils peuvent être formulés simultanément ou successivement, et doivent être faits par écrit, idéalement avec des éléments complémentaires (rapports médicaux, attestations…). - Saisine du tribunal administratif : en l’absence de réponse de l’administration pendant plus de deux mois, ou si les recours administratifs restent sans effet, vous pouvez saisir le tribunal administratif compétent. Ce recours contentieux doit également être introduit dans un délai de deux mois après le rejet exprès ou implicite des recours précédents.
Pour un recours contentieux en cas de maladie professionnelle, il est fortement conseillé, de faire appel à un avocat spécialisé en droit public ou en droit de la fonction publique. Vous pouvez aussi vous faire accompagner par une organisation syndicale.
Quels sont vos droits si la maladie est reconnue professionnelle ?
Lorsqu’une maladie est reconnue comme professionnelle dans la fonction publique, vous bénéficiez en tant qu’agent de plusieurs droits spécifiques, encadrés par le Code général de la fonction publique (CGFP) et les textes réglementaires en vigueur.
Congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS)
En cas de reconnaissance de l’imputabilité au service, vous pouvez être placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Ce dispositif offre une protection renforcée pendant la période d’incapacité temporaire liée à une affection d’origine professionnelle.
Le CITIS vous permet de bénéficier :
- du maintien intégral de votre traitement indiciaire, sans application de jour de carence. Si vous percevez une indemnité de résidence ou un supplément familial de traitement, ces éléments sont également versés en totalité ;
- de l’assimilation de la période d’arrêt à du service effectif, ce qui signifie qu’elle est entièrement prise en compte pour :
- l’avancement d’échelon ou de grade ;
- les droits à la retraite.
Quelle est la durée du CITIS ?
Le congé est accordé sans limitation de durée, à condition que votre incapacité reste médicalement justifiée et que le lien avec le service soit maintenu. Il prend fin à la date de reprise effective des fonctions, de reclassement professionnel, ou de mise à la retraite pour invalidité si la reprise est impossible.
Ce régime est plus favorable que le congé de maladie ordinaire, qui impose des périodes à demi-traitement après 3 mois. Le CITIS garantit une stabilité financière et une continuité de carrière, essentielle durant des périodes souvent marquées par l’incertitude
Prise en charge totale des frais médicaux
Lorsque la maladie est reconnue comme professionnelle dans la fonction publique, vous bénéficiez d’un remboursement de tous les frais médicaux liés à cette affection.
En complément, les honoraires et les frais liés aux examens demandés par votre administration sont également pris en charge, notamment :
- les honoraires du médecin agréé désigné pour l’expertise ;
- les frais médicaux associés aux examens complémentaires demandés dans le cadre de l’instruction ;
- et, le cas échéant, les frais de transport nécessaires pour vous rendre à ces rendez-vous médicaux.
⚠️ La prise en charge des frais de transport s’effectue sur présentation de justificatifs, et à condition que le lien avec les examens médicaux réalisés soit établi et que ces déplacements soient reconnus comme nécessaires.
En complément de la prise en charge de la maladie professionnelle assurée par votre administration, il peut être pertinent de souscrire une mutuelle spécialisée dans la fonction publique, comme la Mutuelle des Services Publics (MSP). Celle-ci propose des garanties adaptées à votre statut, ainsi que des services d’accompagnement tels que l’assistance vie quotidienne, la téléconsultation, un deuxième avis médical, ou encore un bilan nutritionnel gratuit.
Allocation temporaire d’invalidité (ATI)
Si la maladie professionnelle laisse des séquelles durables entraînant une incapacité permanente, en tant qu’agent de la fonction publique, vous pouvez percevoir une allocation temporaire d’invalidité (ATI). Cette allocation est attribuée :
- si vous êtes toujours en activité ;
- à partir d’un taux d’invalidité de 10 % minimum.
Le montant de l’allocation temporaire d’invalidité est de 1 230,70 € par mois, multiplié par le taux d’invalidité reconnu. Elle est versée mensuellement à la fin de chaque mois. Par ailleurs, cette allocation n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu.
Elle est attribuée pour une durée initiale de 5 ans, renouvelable sur demande si l’incapacité persiste.
Possibilité de reclassement ou de mise à la retraite pour invalidité
Si vous êtes déclaré médicalement inapte à exercer vos fonctions, deux options principales peuvent être envisagées.
Reclassement professionnel
Avant toute décision de radiation des cadres à cause d’une maladie professionnelle, l’administration est tenue de rechercher une solution de reclassement, conformément au principe de maintien de l’emploi des agents de la fonction publique. Le reclassement consiste à affecter l’agent à un poste compatible avec ses nouvelles capacités physiques ou psychiques, après avis du conseil médical.
Ce reclassement peut impliquer :
- un changement de poste dans le même grade, avec adaptation des missions ;
- une mutation vers un autre service ou une autre collectivité si nécessaire ;
- ou une réaffectation dans un autre corps ou cadre d’emplois (par détachement ou intégration), à condition d’avoir obtenu l’accord de l’agent.
Mise à la retraite pour invalidité
Si le reclassement à cause de la maladie professionnelle est impossible ou inadapté, vous pouvez être mis à la retraite de la fonction publique pour invalidité, après avis du conseil médical. Cette mise à la retraite :
- est possible sans condition d’âge ni de durée de services ;
- n’entraîne aucune décote sur la pension ;
- ouvre droit à une rente d’invalidité complémentaire.
Être atteint d’une maladie professionnelle dans la fonction publique donne droit à une protection renforcée : congé spécifique, indemnisation en cas de séquelles, reclassement ou retraite pour invalidité. Toutefois, pour en bénéficier, il est indispensable de suivre scrupuleusement les démarches et de respecter les délais requis.